Maux d'Auteurs est une pièce de théâtre et une création originale de Martine Amsili, un drame commun issu des maux et de mots de nombreux auteurs.

Maux d’Auteurs

Présentation de la pièce

Maux d’Auteurs est une création originale, un drame commun issu des maux et de mots d’auteurs écrits par : La Religieuse portugaise Marianna Alcoforado (fin XVIIe s ), Talma (1812), Marie Antoinette (1793), George Sand (1840), Ninon de Lenclos (1650), Alfred de Musset (1840), Gérard de Nerval (1854), Romain Gary (1960), Pascal (1670), Chateaubriand (1841), Marcelle Sauvageot (1930 ), Rébecca Livner (1910).

Les personnages sont les auteurs eux-mêmes. Ils incarnent les maux les plus brûlants de leur vie intime. Nous sommes en 1669, puis en 1812, 1793, 1840, 1854, 1650, 1910, 1930 … Et le spectateur est invité à traverser les siècles, d’un auteur à l’autre. Les fragments de textes surgissent, de l’âge d’or du théâtre et des grands épistoliers… Onze cœurs vont s’apostropher, se confier, s’interpeller, déployer leur verve pour évoquer tour à tour au fil des entrées et des siècles, un amour malheureux, une mort prochaine, un monde malade ou un auteur bafoué. Les siècles passent mais les maux restent les mêmes. «J’ai voulu ressusciter leur langage musical ou leur poésie fleurie et faire battre leur cœur à l’unisson

Distribution

Philippe Briouse : Pascal

Marine Saglier et Nora Amine : Marie-Antoinette et George Sand

Damien Bonifay : Chateaubriand

Adaptation et direction d’acteursMartine Amsili

La pièce s’est jouée en Avignon du 8 au 31 juillet 2011 au théâtre Le Célimène.

Musiques

Allegri Gregori, Debussy, Vivaldi, Chopin, Lully, Listz, Sir Edward Elgar, Glen Miller, Corelli, Bach, et Jean-Pierre Stora.

Note de l’auteur de Maux d’auteurs, Martine Amsili

Les chants désespérées sont les chants les plus beaux » disait Musset, et si l’homme ne se pose que les questions qu’il peut résoudre, la poésie, la littérature et le théâtre se chargent des autres, celles qui n’attendent pas de réponse comme Dieu, l’amour et la mort. Maux d’Auteurs est un drame commun issu des maux et de mots d’auteurs. A travers les âges et les styles, cette création est une longue correspondance ininterrompue des plus belles plumes de notre patrimoine français.


Lisez le début de la pièce Maux d’Auteurs :

Décor

La scène représente tour à tour l’appartement d’Alfred de Musset, de Gérard de Nerval, de George Sand, de Chateaubriand… Elle est un bureau pour Pascal, Nohant pour Georges Sand. Un cloître à Beja au Portugal pour Mariana, une prison pour Marie-Antoinette, etc… Un jeu de lumières et de bougies, Quelques chaises, quelques tables et quelques objets de différentes époques sont de mise, des plumes, des encriers, du papier, des stylos-plumes nous font voyager du 17e siècle au 20e siècle. Les coulisses représentent le dehors d’où revient Nerval ou Talma… la chambre à coucher de Ninon de Lenclos, de Pascal ou encore de Rébecca Livner.

Le rideau se lève, noir. Nous sommes dans un cloître à Beja au Portugal fin 17e siècle. Une chandelle côté cour éclaire quelque peu la grande pénombre. Une religieuse (Mariana1) entre lentement une chandelle à la main, elle se dirige à sa table de travail côté cour et dépose sa chandelle prés d’elle.

La bougie éclaire son visage. Elle s’empare de sa plume et écrit avec empressement, on entend la plume grincer sur le papier. Une lumière faible monte côté jardin, nous apercevons la silhouette d’une autre religieuse à genoux, (Mariana2) elle prie.

Une troisième religieuse entre (Mariana) avec une lettre à la main qu’elle parcourt avec beaucoup d’intérêt, elle va et vient lentement, on entend en même temps, la plume de (Mariana 1), la voix de (Mariana 2) chuchotant et l’on ressent la douleur de Mariana 3 relisant sa lettre a? Noël de Chamilly.

Mariana Alcoforado, la Religieuse portugaise de Beja déclinée en trois comédiennes, trois voix pour faire revivre l’amoureuse éperdue.

Au fur et à mesure de l’entre?e des trois comédiennes : -Lointain, Centre -Bureau Jardin-Prie-Dieu

Texte

MARIANA1 (écrivant et parlant) :
Mais quoi ? Quand j’aurais pu voir tout ce que je vois, et plus encore, s’il se peut, je n’aurais pu résister au penchant de vous aimer :

(Face public)

ça été une violence d’inclination dont je n’ai pas été la maîtresse ; et puis quand je songe aux moments de plaisir que cette passion m’a causés, je ne puis me repentir de l’avoir conçue.

(MARIANA1 s’arrête de parler et continue d’écrire) MARIANA2 (se levant, se signant et parlant ) :

Mais que ne ferais-je point si j’étais contente de vous, puisque je suis si transporte?e d’amour dans le temps ou? j’ai le plus de sujet de m’en plaindre !

Mais vous en savez les différences, vous m’avez vue satisfaite, vous m’avez vue me?contente, je vous ai rendu des grâces, je vous ai fait des plaintes et dans la colère comme dans la reconnaissance vous m’avez toujours vue la plus passionnée de toutes les amantes.
Mariana1 continue d’écrire, Mariana2 s’interrompt et s’agenouille rassemblant ses deux mains.

MARIANA3 (lisant à haute voix, la lettre à la main)
Un si beau caractère ne vous donnera t-il point d’émulation ? Aimez, mon cher insensible, aimez autant que vous êtes aimé : Il n’y a de plaisir véritable pour l’âme que dans l’amour ; l’excès de la joie naît de l’excès de la passion, et la tiédeur fait plus de tort aux gens qui en sont capables qu’à ceux contre qui elle agit.

MARIANA1 (continuant d’écrire fébrilement) :
Ah ! si vous aviez bien éprouvé ce que c’est qu’un véritable transport amoureux, combien porteriez vous d’envie à ceux qui les ressentent,

MARIANA2 :
Je ne voudrais pas, pour votre cœur même être capable de votre tranquillité ; je suis jalouse de mes transports comme du plus grand bien que j’aie jamais possédé et j’aimerais mieux être condamnée à ne vous voir de ma vie qu’à vous voir sans emportement.

Les comédiennes se figent. Un homme entre c’est Talma, il est face public. La musique continue puis meurt jusqu’à l’entrée de Talma. Il s’assoit et écrit.

Bureau Cour

TALMA (écrivant) :
Le 16 septembre 1812,
Mon amie, je t’ai donc quittée ! Me voilà donc séparé de toi et séparé pour longtemps. voulu ; mon éloignement était nécessaire à ton repos, il a fallu t’obéir.

(Talma s’arrête d’écrire)

Tu l’as voulu

TALMA :
Avant-hier, je suis parti au point du jour et j’ai pu encore regarder tes fenêtres pour une dernière fois.

MARIANA1 ( écrivant) :
Considère, mon amour, jusqu’à quel excès tu as manqué de prévoyance.

(Mariana1 se lève et marche jusqu’à la hauteur de Talma)

MARIANA1 :
Ah malheureux ! tu as été trahi, et tu m’as trahie par des espérances trompeuses. Une passion sur laquelle tu avais fait tant de projets de plaisirs, ne te cause présentement qu’un mortel désespoir, qui ne peut être comparé qu’à la cruauté de l’absence, qui le cause.

TALMA :
Pour une dernière fois, les yeux fixés sur la chambre, je t’ai dit adieu dans ma pensée, et le visage baigné de larmes, suffoquant de sanglots, je t’ai de loin adressé tous les vœux de ma tendresse pour ta santé et pour ton bonheur !

MARIANA2
Quoi ? cette absence, à laquelle ma douleur, toute ingénieuse qu’elle est, ne peut donner un nom assez funeste, me privera donc pour toujours de regarder ces yeux, dans lesquels je voyais tant d’amour et qui me faisaient connaître des mouvements, qui me comblaient de joie, qui me tenaient lieu de toutes choses, et qui enfin me suffisaient ?

Hélas ! les miens sont privés de la seule lumière qui les animait, il ne leur reste que des larmes, et je ne les ai employés à aucun usage, qu’à pleurer sans cesse, depuis que j’ai appris que vous étiez enfin résolu à un éloignement, qui m’est si insupportable, qu’il me fera mourir en peu de temps.

TALMA (écrivant) :
Mais mon amie, quand il a fallu partir et m’éloigner d’Aix, j’ai cru que j’allais mourir !

(Talma s’arrête d’écrire)

Tout le long de la route j’aurais voulu être seul pour pleurer à mon aise et me soulager du poids qui me crevait le cœur.

MARIANA2 :
Cependant il me semble que j’ai quelque attachement pour des malheurs, dont vous e?tes la seule cause : Je vous ai destiné ma vie aussitôt que je vous ai vu ; et je sens quelque plaisir en vous la sacrifiant.

MARIANA3 :
J’envoie mille fois le jour mes soupirs vers vous, et pour toute récompense de tant d’inquiétudes, qu’un avertissement trop sincère, que me donne ma mauvaise fortune, qui a la cruauté de ne souffrir pas que je me flatte, et qui me dit à tous moments :

MARIANA1 :
Cesse, cesse, Marianne infortunée, de te consumer vainement, et de chercher un Amant que tu ne verras jamais ; qui a passé les Mers pour te fuir, qui est en France au milieu des plaisirs, qui ne pense pas un seul moment à tes douleurs, et qui te dispense de tous ces transports, desquels il ne te sait aucun gré.

(Talma se lève)

MARIANA3 :
Mais non, je ne puis me résoudre à juger si injurieusement de vous, et je suis trop intéressée à vous justifier : Je ne veux point m’imaginer que vous m’avez oubliée. Ne suis-je pas assez malheureuse sans me tourmenter par de faux soupçons ?  Et pourquoi ferais-je des efforts pour ne me plus souvenir de tous les soins que vous avez pris de me témoigner de l’amour ?

MARIANA1 :
J’ai été si charmée de tous ces soins, que je serais bien ingrate, si je ne vous aimais avec les me?mes emportements, que ma passion me donnait, quand je jouissais des témoignages de la votre.

TALMA :
Je suis arrivée ici de bonne heure. On m’attendait. Le pays est ravissant. Je suis logé dans une maison charmante sur le bord même du lac entouré de bosquets délicieux. Mais, je ne puis t’exprimer le sentiment douloureux et pénible dont je suis affecté en regardant ces belles campagnes.

Ah ! Mon amie, tu n’es pas la? pour les considérer avec moi ! Ah ! Que cette pense?e me brise le cœur ! Cher trésor de mon âme, je ne me consolerai jamais.

Mon amie, prends pitié de moi, multiplie les sujets de communications entre toi et moi, lie-moi a? ton existence par tous les points possibles. Tu me l’as promis.

MARIANA1 (écrivant) :
Comment se peut-il faire que les souvenirs des moments si agréables, soient devenus si cruels ? (elle arrête d’écrire) Et faut-il que contre leur nature, ils ne servent qu’à tyranniser mon cœur ?

Hélas ! votre dernière lettre le réduisit en un étrange état : il eut des mouvements si sensibles qu’il fit, ce semble, des efforts pour se séparer de moi, et pour vous aller trouver : je fus si accablée de toutes ces émotions violentes, que je demeurai plus de trois heures abandonnée de tous mes sens :

MARIANA3 :
je me défendis de revenir à une vie

(Mariana2 s’empare de la bougie et va vers le fond de la scène)

que je dois perdre pour vous, puisque je ne puis la conserver pour vous, je revis enfin, malgré moi, la lumière, je me flattais de sentir que je mourais d’amour ; et d’ailleurs j’étais bien aise de n’être plus exposée à voir mon cœur déchiré par la douleur de votre absence.

(Mariana2 se poste contre le mur, Mariana3 s’avance)

MARIANA2 :
Après ces accidents, j’ai eu beaucoup de différentes indispositions : mais, puis-je jamais être sans maux, tant que je ne vous verrai pas ? Je les supporte cependant sans murmurer, puisqu’ils viennent de vous. Quoi ? est-ce la? la récompense, que vous me donnez, pour vous avoir si tendrement aimé ? Mais il n’importe, je suis résolue a? vous adorer toute ma vie, et a? ne voir jamais personne ; et je vous assure que vous ferez bien aussi de n’aimer personne.

(Mariana sort, Talma s’avance)

TALMA :
J’attends un petit mot de toi. Si tu ne m’écrivais pas, tu me mettrais le désespoir dans l’âme, je croirais que tu m’as oublie?. Je t’ai promis de déchirer tes lettres et je te le promets encore. Ainsi, qu’aucune crainte ne te retienne.

(Mariana3 s’avance)